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Cette chronique se veut une occasion pour les membres de la communauté franco-manitobaine (francophones et francophiles) de s’exprimer sur des sujets qui les interpellent. Les récits peuvent être basés sur des expériences personnelles ou inventés de toute pièce. Le sujet est libre, mais les textes qui seront les plus susceptibles de rejoindre ou d’émouvoir les gens seront privilégiés.

Les textes seront corrigés et remaniés au besoin. Les auteurs doivent donc être ouverts à la critique.

 

Les personnes intéressées sont invitées à soumettre leurs récits de 400 à 800 mots à l’adresse suivante : éditeur@magazinelenenuphar.ca.

Table des matières

Handicapée mon oeil!

Ce jour-là, j’avais prévu de passer la journée à la maison. J’avais aussi planifié de dormir un peu plus tard que d’habitude. Vers 8 h 30, j’ai été réveillée par la sonnerie de mon téléphone. C’était ma fille. Son patron avait décidé de fermer le bureau à midi parce qu'il faisait trop froid... Ma fille, qui se déplace en fauteuil roulant, se retrouvait donc sans moyen de transport pour rentrer chez elle. Ici, à Winnipeg, on doit réserver le transport adapté la veille du déplacement au plus tard. On ne peut pas appeler quelques heures à l’avance comme c’est le cas au Québec. Je venais de me réveiller alors j’ai tout de suite répondu que j’irais la chercher, comme ça, sans réfléchir – réflexe de mère poule. 

Maintenant que j’écris régulièrement, je me réjouis à l’idée de passer du temps avec Martine, sachant que je vais vivre à ses côtés des expériences qui viendront alimenter mes textes. Mais en ce matin frais d’hiver, alors que le mercure frise la barre du -50 oC, j’ai plutôt envie de rester bien au chaud dans mon lit. J’essaie donc de me désister. J’appelle ma fille pour lui demander ce que vont faire ses collègues qui utilisent aussi le service de transport adapté de la ville. Elle m’a répondu que son patron donnait des bons de taxi, mais qu’elle n’en avait pas demandé parce qu'elle voulait inviter sa collègue Caroline à passer l'après-midi chez elle. Celle-ci avait un rendez-vous à deux pas de son travail à 16 h et ne voulait pas passer tout ce temps dans la salle d'attente. Si elle utilisait son bon pour se rendre chez Martine, elle n'en aurait plus pour aller chez le médecin. Bon. Je n’allais pas m’en tirer, mais l’aventure prenait une tournure intéressante. Caroline étant aveugle, je me retrouvais avec deux sources d’inspiration.

Alors que nous sommes confortablement assises dans le salon de Martine depuis un gros cinq minutes, je me lève et j’annonce que je vais assembler un tiroir. Sa réalité est comparable à celle de la plupart des propriétaires de maison en ce qu’elle a toujours un projet en branle. Par contre, elle a souvent besoin de quelqu’un pour les réaliser. En choisissant d’assembler un tiroir, je vais pouvoir continuer de jaser. Quand je reviens avec la boîte, Caroline explique qu’elle peut très bien assembler des choses sans voir les instructions, qu’elle l’a fait souvent. Je ne fais ni une ni deux et la prend au mot. « Il y a deux tiroirs. T’en veux un? » 

Moi, je suis nulle pour assembler les choses. Je suis lente et je me trompe tout le temps. C’est immanquable. Quoi que j’assemble, je dois le défaire puis le refaire en partie au moins une fois. J’ai bien des défauts qui m’agacent, mais j’ai fait la paix avec celui-là. Aussi, l’éventualité qu’une personne aveugle réussisse à assembler un tiroir plus rapidement que moi ne me dérange pas. Je me doute bien qu’elle ne pourra pas gagner. En plus de ne pas pouvoir consulter les instructions, elle ne peut pas non plus copier sur moi. Cela ne m’empêche pas d’omettre de lui expliquer le fonctionnement du tournevis multimèches… 

Quand est venu le temps de rentrer chez moi, j’étais un peu plus avancée qu’elle, mais j’avais défoncé un coin du fond de mon tiroir en tentant de pousser une vis dans le mauvais trou. Alors finalement, si je me soustrais des points pour mon erreur, nous sommes arrivées ex æquo. Ouf!

En rentrant, je devais faire un arrêt rapide au Safeway pour acheter un citron. Celui sur mon chemin n’a toujours pas de caisses libre-service et sa seule et unique caisse rapide n’était pas ouverte. J’ai dû attendre derrière une femme avec un panier plein avant de pouvoir être servie. La caissière était TELLEMENT lente. J’ai jeté un coup d’œil au caissier d’à côté, même histoire. Quand ça a été mon tour, je me suis rendu compte que je n’avais pas mon portefeuille. Le temps d’aller chercher de l’argent dans mon auto, une autre femme défaisait son panier plein et la caissière en balayait le contenu sans plus d’empressement que pour la cliente d’avant. Je l’ai fixée intensément derrière mes lunettes de soleil dans l’espoir que mon regard oblique parvienne à lui transpercer le crâne et à lui stimuler le cerveau. J’aurais voulu lui remettre mon citron pour souligner l’excellence de son service, mais j’en avais besoin pour préparer à souper. Je parie qu’elle aurait perdu contre Caroline.

Signé Marie-Denise Couture
 

Un miracle manitobain

La première greffe de moelle osseuse pour guérir la drépanocytose
au Manitoba a eu lieu il y a 10 ans.

Célébrons la Journée mondiale de la drépanocytose le 19 juin!

La drépanocytose, communément appelée anémie à hématies falciformes, est la maladie génétique la plus fréquente dans le monde. Cette maladie héréditaire affecte la forme et le bon fonctionnement des globules rouges et entraîne des épisodes fréquents de douleurs très intenses. Plusieurs personnes drépanocytaires doivent régulièrement avoir recours à des transfusions sanguines, mais la guérison complète ne s’obtient qu’avec une greffe de moelle osseuse, et seulement si le donneur est compatible et encore… 

L’Afrique, considérée comme un des foyers originels de la mutation drépanocytaire, connaît des taux de prévalence très élevés de cette anomalie. C’est pourquoi Micheline et son mari, tous deux originaires de la République démocratique du Congo (RDC), s’en sont beaucoup voulus lorsqu’ils ont appris que leur nouveau-né était atteint de drépanocytose. Faisons place au récit de Micheline.

 

J’ai quitté la RDC en 2003 en raison du conflit armé qui s’y déroulait depuis 1998. Durant ma quête d’un bon endroit pour m’établir, j’ai vécu dans plusieurs États américains avant d’aboutir à Fort Érié en Ontario où j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari. Nous avons eu une fille en 2008, puis un fils en 2012 à St. Catharines, toujours en Ontario. C’est lorsqu’il avait deux semaines que nous avons appris que notre bébé était malade. 

Après les cinq premiers mois de sursis grâce à l’hémoglobine de sa naissance, sa santé a commencé à se dégrader et il subissait des crises de plus en plus fréquentes et de plus en plus fortes. C’était horrible de voir notre bébé souffrir ainsi. Avec le diagnostic de drépanocytose, est venu le remords. Je connaissais ce genre de maladie en Afrique et ce qu’on disait dans les villages lorsqu’il y avait un enfant qui naissait avec ça : que c’était un enfant de la malchance, un être anormal, un « sorcier ».

Malgré l’incidence élevée de porteurs du gène de la drépanocytose en Afrique, on n’y procède pas à des tests génétiques systématiques lorsqu’on se marie. Mais étant éduqués, mon mari et moi aurions dû savoir mieux. Est-ce que parce que nous étions hors de notre pays qu’inconsciemment nous nous pensions « hors de danger »? Est-ce parce que nous étions constamment en mouvement, cherchant la « terre promise » où nous pourrions enfin installer nos pénates que nous avons fait fi de cette possibilité? Pourquoi n’avons-nous pas fait les tests génétiques qui auraient établi que nous étions tous deux porteurs?

Nous étions en désarroi, sachant que la qualité et l’espérance de vie de notre enfant étaient précaires. Lors d’une crise particulièrement éprouvante, dans mon désespoir, j’ai lancé un ultimatum : mon Dieu, ou bien tu prends cet enfant-là tout de suite avec toi, je ne vais pas te renier, ou bien tu le guéris. Ensuite, des médecins nous ont annoncé que notre fils était au plus mal et qu’il risquait de perdre des organes si l’on ne faisait rien. 

Une infirmière de l’hôpital d’Hamilton nous a informés qu’il y avait un traitement aux États-Unis qui consistait en une greffe de la moelle osseuse et qu’on pouvait recevoir ce traitement au Manitoba avec le concours de médecins américains. Elle nous a mis en contact avec les bonnes personnes, dont un hématologue dévoué, certainement envoyé par le bon Dieu. Il nous a intimé de nous rendre aux urgences du Health Sciences Center à Winnipeg et rassuré qu’il allait préparer le personnel à nous recevoir.

Par chance, notre fille s’est avérée une donneuse parfaitement compatible et la greffe, première du genre à traiter la drépanocytose au Manitoba le 13 juin 2013, a été un succès complet. Merci mon Dieu!

Signé Micheline Kizeza

 

Rencontre du troisième type…
avec un colibri

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Un après-midi de mai 2009, je flânais dans la cour, entrant et sortant occasionnellement de notre garage. Lors d’une de ces incursions dans le garage, j’ai entendu un bourdonnement à l’intérieur. J’ai découvert un colibri à gorge rubis femelle qui volait au-dessus des poutres, faisant des allers-retours soit à l’avant du garage, soit le long d’un côté. Je suis sorti en me disant que si elle était entrée d’elle-même, elle finirait bien par ressortir. J’ai continué à travailler dehors, assez près pour entendre presque constamment le bruit de ses battements d’ailes à l’intérieur.


Les deux portes étant ouvertes, je suis entré plusieurs fois pour essayer de la guider vers la sortie, mais sans succès. Elle continuait à voler sans cesse. J’ai aussi demandé à Carole de venir m’aider, mais nous avons obtenu le même résultat. De temps à autre, le colibri faisait une pause et se reposait sur la pointe d’une paire de skis entreposés sur les poutres du garage.


Cela a duré près de trois heures, et il devenait évident que quelque chose devait être fait, car la petite créature devait être exténuée et stressée à force de chercher une issue. J’ai emprunté une épuisette à un voisin, espérant pouvoir la capturer ou qu’elle y entre d’elle-même. J’étais près de la porte latérale du garage et j’ai tenté un mouvement avec le filet, réussissant à la faire descendre au sol, juste à côté de mon pied gauche.


À cet instant, le temps s’est figé pour moi. Ce qui n’a duré que quelques secondes m’a semblé une éternité. Les colibris ont des yeux légèrement exorbités, et elle m’a regardé avec ces deux grands yeux fixes. Puis, soudainement, elle s’est envolée et est venue se poser sur l’extérieur de ma jambe, juste sous mon genou (qui était nu, car je portais un short). Tout en restant perchée sur ma jambe, elle a continué à me fixer. 


Je suis resté figé, déconcerté par ces deux petits yeux qui me scrutaient, jusqu’à ce que je « reprenne mes esprits ». J’ai alors fait deux ou trois pas vers la porte, le colibri toujours posé sur ma jambe. Lorsque je me suis approché de la porte latérale ouverte, elle s’est envolée et a effleuré le cadre en sortant.


Après avoir assimilé ce qui venait de se passer, j’ai été submergé par l’émotion et je suis allé raconter l’histoire à Carole.


Pendant les jours suivants, j’ai guetté le colibri, mais j’étais attristé de ne pas la voir venir à notre mangeoire. En repensant à la façon dont elle s’était envolée et avait heurté légèrement la porte du garage, je craignais le pire. Quelques jours plus tard, une femelle est finalement venue se nourrir. Était-ce la même? Je ne le saurai jamais.


J’ai vécu une expérience incroyable que je ne suis pas près d’oublier, et chaque fois que j’y repense, j’en ai des frissons. Ces deux yeux qui me regardaient resteront à jamais gravés dans ma mémoire.

Signé Larry Trush

 

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