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TABLE DES MATIÈRES

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Ces paroles inspirées de lectures, de rencontres, de réflexions et de sa propension à jeter un regard critique sur la société qui l'entoure, Guy les offre aux créateurs de musique à la recherche de textes significatifs.

« La chanson… c’est un vivant petit oiseau sensible et intelligent dont l’univers est la cour, il connaît et ressent tout mais en petit, c’est très parent avec le conte et la fable. » – Félix Leclerc

Présentation

Le titre de ce recueil de paroles, Un oiseau dans ma cour se veut un hommage à Félix Leclerc, le père de la chanson québécoise.

« L’accumulation de joies et de peines ferait éclater le cœur de l’homme, s’il n’y avait pas la chanson. Ses limites : ça ne se voit pas dans les hautes sphères comme la symphonie, ça ne s’attarde pas dans les couloirs de l’âme comme la psychanalyse, ça ne s’explique pas comme la philosophie, ça ne juge pas comme la morale, ça ne s’enseigne pas comme la doctrine, ça ne se copie pas comme la photographie, ce n’est pas un aigle, c’est un vivant petit oiseau sensible et intelligent dont l’univers est la cour, il connaît et ressent tout mais en petit, c’est très parent avec le conte et la fable. Ce n’est pas un océan, c’est une source, un grelot d’argent dans l’épaisseur du silence, une allumette dans la nuit. Quelle est la bonne, quelle est la mauvaise? La mauvaise est une mouche qui bourdonne ».

Félix Leclerc, Pour la chanson, Liberté, no 46, 1966, p. 32.

Il y a longtemps qu’il y a un oiseau dans ma cour! Comme autant de ces jeunes garçons qui rêvent de devenir pompier pour combattre la violence d’un incendie, je rêve de devenir parolier pour lutter contre les effets dévastateurs du vide et du non-sens. J’aime les mots, les rimes, l’enveloppement du sens par le son, pourvu que celui-ci n’ait pas le dernier mot!

Alors, parolier en herbe, me suis-je dit, devant « cette maudite machine qui t’as a avalé »[1], que peux-tu faire? La casser, je n’ai pas ce pouvoir. Mais dans ma cour, aménager un nichoir pour les oiseaux, pourquoi pas! 


Dans cette chronique je présenterai donc des textes de chansons qui n’auront d’autres prétentions que celle d’exprimer un désir d’exister. Me frotter à la vie, ressentir, observer, lire, réfléchir et témoigner en chansons de l’homme, de la société et du monde, voilà ce qui m’importe. Perfectibles, ces textes? Sans aucun doute! Mais évitons de les juger sur la base des normes imposées par le commerce et ses complices, les créateurs de sons préfabriqués, qui inversent le processus de création et qui, ce faisant, imposent aux paroliers un rôle de simple « préposé aux paroles » chargé de faire « fiter » le sens dans le son. Oui, aux premiers abords, les thèmes abordés ici, le ton, le style etc. pourront parfois laisser l’impression que ces textes, certains textes à tout le moins, « ne sont pas chantables ». Peut-être sommes-nous déjà trop habitués au « prêt-à-entendre »… 


Pour chaque texte présenté, je dévoilerai mes sources d’inspiration afin de mettre en valeur le sens du texte et le geste créateur qui lui a donné naissance. Ce geste créateur qui, bien qu’il émerge la plupart du temps d’un rapport intime à soi, aux autres et au monde, doit, pour devenir signifiant, s’accompagner d’un effort de réflexion et de justesse. 


Enfin, je veux souligner l’importance qu’a eue pour moi ma rencontre avec le parolier Marc Chabot que j’ai connu en participant à l’un de ses ateliers d’écriture de chanson, à Petite-Vallée. Sa réflexion et ses conseils m’ont été précieux. 

 

[1] La maudite machine, de Pierre Flynn

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Mon inspiration pour...

le recueil de textes

Un oiseau dans ma cour

Qu’en est-il du métier de parolier aujourd’hui? Qu’en est-il de la chanson aujourd’hui?

 

De nos jours, quand on rêve de devenir parolier, il faut de toute évidence limiter nos attentes quant à la place que l’on espère occuper. L’incontournable ouvrage de Robert Léger, Écrire une chanson, nous y invite d’ailleurs avec beaucoup de tact. D’autres nous l’on également rappelé. En scrutant Le Devoir, je découvre un article de Sylvain Cormier (octobre 2010) qui décrit la remise du Prix Luc-Plamondon par la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) au parolier Marc Chabot. Remettant lui-même le prix, Plamondon demandait au public s’il connaissait Chabot, ce qu’il avait écrit et pour qui, etc., pour constater que bien peu de gens en savaient quelque chose. « Ben, c'est ça le sort d'un parolier. [...] Moi, je n'ai pas à me plaindre. Mais si je commençais dans le métier aujourd'hui, je trouverais ça dur », déclare Luc Plamondon.

Toujours dans Le Devoir (mars 2013), Yvan Giguère, fondateur de la Journée de l’Hymne au printemps, réclamait une plus grande reconnaissance pour nos paroliers, notamment lors du Gala de l’ADISQ, en rappelant que le texte est pourtant l’âme d’une chanson. Le mois suivant, dans ce même quotidien, une lettre de la parolière Martine Pratte, cosignée par plusieurs artistes, déplorait le rejet par l’ADISQ de leur demande de créer une catégorie spécifique pour les paroliers afin de reconnaitre ce métier à sa juste valeur.  

Pourquoi en est-il ainsi? Je crois avoir trouvé quelques réponses auprès de ce même Marc Chabot, dans un texte intitulé « La culture, la chanson et le divertissement »[1]. Chabot, qui est aussi philosophe, apporte un éclairage intéressant sur la question. Ce texte est en fait une conférence prononcée en février 2013 dans le cadre d’un Forum sur la chanson québécoise organisé par le Conseil des arts et des lettres du Québec. Selon lui, on assiste actuellement à un phénomène de réduction de la chanson à un art de divertissement et la crise vient non pas du divertissement lui-même, mais du fait que nous encourageons jour après jour la séparation entre culture et divertissement. « Il y a des ponts à rétablir entre la culture et le divertissement », dit-il. Dans ce contexte de survalorisation du divertissement, les paroles, celles qui touchent l’âme, celles qui interrogent l’être humain sur le sens de sa vie, celles qui lui reflètent ses mérites et ses travers, sont souvent négligées au profit de la recherche d’un son. Un son qui semble avoir de plus en plus pour mission de véhiculer une sensation de légèreté et qui, pour y parvenir, doit contourner la gravité des choses et éviter les mots qui en font état. Pourtant, la chanson peut jouer un rôle bien plus important selon Marc Chabot :

« Une chanson peut nous faire réfléchir, une autre peut nous faire danser, une autre peut nous faire pleurer et une autre encore peut nous faire rire. La chanson est un art multiple. La chanson doit être tout autant une fête qu’un hymne. La chanson doit être tout autant une folie qu’un recueillement ou une dénonciation des violences. Chanter, c’est tenter de dire et tenter de décrire tous les mondes possibles […]

Nous avons besoin des chansons pour tous les instants de la vie des êtres et pour tous les instants de la vie d’un peuple. J’ai besoin de ces petits oiseaux dans ma cour, comme le disait Félix[2]. Comme j’ai besoin du cinéma, du théâtre, du roman, de la peinture et de la poésie.

Admettons que comme créateur, comme compositeur, comme parolier, comme interprète, nous ne serions que trop peu de choses si notre seul but, notre seule action dans la culture était de divertir.

La chanson doit être libérée des carcans dans lesquels on tente de l’emprisonner. Elle est plus qu’un genre, elle est plus qu’un son, elle est plus qu’une voix, elle est plus qu’une mode, elle est plus que ce qu’elle vend ou ne vend pas. C’est ce plus que nous devrions rechercher. »

S’il n’y a pas de relation de cause à effet entre la place peu enviable du parolier et celle de plus en plus grande du  « marché » dans le monde de la culture, on peut penser qu’il y a à tout le moins une corrélation significative! L’industrie a-t-elle vraiment besoin de paroliers pour fonctionner? La conjoncture culturelle, sociale et économique actuelle est telle que plusieurs chansons réussissent à « percer le marché » sans que l’on ait eu besoin de leur insuffler une âme… Dans ce contexte, connaitre un succès, tel qu’on en juge actuellement, n’est pas toujours la perspective la plus valorisante. Heureux celui dont les textes peuvent conjuguer succès commercial et valeur culturelle. Mais, comme le souligne encore une fois Marc Chabot, le parolier n’y peut pas grand-chose :

« Une fois sa création terminée (celle du parolier) beaucoup de choses ou peu de choses sont possibles. Beaucoup ou peu de choses qui ne dépendent pas de lui. Son seul pouvoir était d’écrire une chanson, son seul pouvoir était au bout de son crayon ou de son clavier. Beaucoup du reste tient du hasard, de la chance, des rencontres, de la diffusion, du désir des autres de nous faire exister ou non.

Je veux insister sur ce désir d’exister, car c’est ce qui distingue en tout premier lieu la culture du divertissement. La culture peut faire exister les œuvres et généralement elle se soucie aussi de les conserver, de les rappeler à notre mémoire, de leur faire traverser le temps et les générations.

C’est une responsabilité qui devrait incomber aussi à ceux et celles qui s’occupent du divertissement, même si ce n’est pas leur premier défi. Une responsabilité oubliée, une responsabilité qu’on a parfois délibérément gommée […] ».

Guy Pilote

 

[1] Texte disponible sur le site Web de Planète francophone

[2] L’auteur fait référence ici aux propos de Félix Leclerc auxquels je fais référence au début de ma chronique, propos qu’il avait lui-même cités au début de sa conférence.

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Dans son livre Le pouvoir ou la vie le philosophe et écrivain Jean Bédard traite de l’importance  « de s’atteler à sa propre vie ».  Il insiste notamment sur le fait que la transformation de notre être ne surgit pas d’une compréhension intellectuelle de nous-même. « Le saut crucial pour sortir de la répétition des cycles consiste en un acte de liberté » dira-t-il. Et il ajoute : « le propre de la liberté, c’est qu’elle n’existe pas, il faut la faire »[1].

Voici une chanson qui traite de cette idée riche de sens. Souvent, notre premier saut crucial, c’est celui que nous faisons pour nous affranchir des cycles répétitifs enclenchés dans notre enfance, ceux qui, trop souvent, nous tiennent captifs, étouffent notre vitalité, éteignent notre créativité. S’en libérer, c’est faire le premier pas vers l’aventure presque sans fin du naître à soi.

 

[1] Bédard, Jean. Le pouvoir ou la vie, les Éditions Fides, 2008.

Que faisons-nous de nos rêves?

Nous sommes les enfants

Les filles et les fils

D’une joie du moment

D’amour, de sacrifices

Nous sommes les héritiers

Du meilleur et du pire

Cherchant nos vérités

À travers leurs désirs…

Ils nous ont tant aimés

Nous voulons les ravir

 

Mais pendant ce temps

Que faisons-nous de nos rêves

Que faisons-nous de nos vies

Les miens dormaient sur la grève

Et la mer me les a repris

 

Ils ont donné leur vie

Ont fait nos joies, nos peines

Ont laissé leurs envies

Quelque part à la traine

En espérant nous voir

Les porter à notre dos

En faire nos devoirs

En faire nos crédos

Nous sommes leurs espoirs

Faudra faire ce qu’il faut…

 

Mais pendant ce temps

Que faisons-nous de nos rêves

Que faisons-nous de nos vies

Les miens dormaient sur la grève

Et la mer me les a repris

 

Nous portons leurs bagages

Parfois ils sont trop lourds

Aurons-nous le courage

De défier leur amour

Pour rallumer la flamme

Pour retrouver l’instinct

Qui repère en nos âmes

La trace d’un destin

Nos rêves nous réclament

S’y trouve notre chemin…

 

Et pendant ce temps

Que faisons-nous de nos rêves

Que faisons-nous de nos vies…

Les miens renaissent sur la grève

Et la mer enfin reluit

 

Les miens renaissent sur la grève

Et la mer enfin reluit

© L’utilisation des textes se fait avec la permission de l’auteur.
Veuillez écrire à Guy Pilote à pilote.guy@gmail.com.
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Périclès, homme d’État athénien (495-429 av. J.-C.), disait ceci : « il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage ». Que la liberté procure du bonheur, nul n’en doute. Qu’elle exige du courage (courage qui dérive du mot cœur et qui signifie force d’âme), voilà qui ne convainc pas toujours les modernes que nous sommes. Pourtant…

Dans nos démocraties, par exemple, jouissons-nous pleinement de notre liberté? Faisons-nous preuve de courage? L’inspiration de Vivre de liberté me vient d’un texte du philosophe politique Alexis de Tocqueville, écrit en 1840, dont voici un extrait :

« ​Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d'être conduits et l'envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l'un ni l'autre de ces instincts contraires, ils s'efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d'être en tutelle, en songeant qu'ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. » (Démocratie comme despotisme)

Près de deux siècles plus tard, où en sommes-nous? Sans doute devant le même dilemme. Les humains changent peu, l’histoire le démontre… Il faut cependant admettre que le contexte a changé et la liberté, disons-le, se montre maintenant sous plusieurs apparences. Ayant obéi à son penchant pour la facilité, le citoyen d’aujourd’hui, plus individualiste, s’est taillé sur mesure une société qui lui fournit quantité de petits bonheurs nourrissant en lui un agréable sentiment de liberté qu’il confond souvent avec la liberté elle-même. La plupart du temps, il s’en contente! Il aime posséder, il consomme souvent avec excès, il se divertit à souhait, il se fait valoir de brillantes façons, il mesure son bonheur à la hauteur de l’intensité de ses sensations ou de la satisfaction de ses désirs. Il s’étourdit librement, jusqu’à s’abrutir parfois, si bien qu’il oublie que la liberté, dans sa plus haute valeur, se trouve ailleurs. Où se trouve-t-elle? Elle se trouve là où son agir l’engage pleinement et l’appelle à sa responsabilité, et ce, tant sur le plan individuel que collectif. Cette liberté-là exige force d’âme et le bonheur qu’elle procure est indicible. Ne jamais y faire appel, c’est risquer de devenir morose, indifférent, tolérant à l’intolérable…

Vivre de liberté

Je n’ai plus tout à fait

L’étoffe d’un homme

Je me vends au rabais

Au diable va mon âme

Je me fonds aux objets

Ma valeur a un prix

J’y trouve une paix

Que je paie de ma vie

 

Sur cette terre accablée

Ne restent que des humains

Trop peu, trop peu enclins

À vivre de liberté

 

J’ai perdu tout espoir

D’un monde plus humain

Je me laisse déchoir

Comme si venait la fin

Je n’arrive plus à croire

Que j’ai entre les mains

Le réel pouvoir

De changer ce destin

 

Prisonnier des rouages

Que j’ai su fabriquer

Je me suis fait l’otage

De mon avidité

Ne me reste en gage

De mon humanité

Que le seul courage

De vivre ma liberté…

Mais ai-je le courage

De vivre ma liberté?

 

Sur cette terre accablée

Ne restent que des humains

Trop peu, trop peu enclins

À vivre de liberté

 

Et moi ai-je le courage

De vivre ma liberté?

Et moi ai-je le courage

De vivre ma liberté?

© L’utilisation des textes se fait avec la permission de l’auteur.
Veuillez écrire à Guy Pilote à pilote.guy@gmail.com.
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L’Équation du nénuphar d’Albert Jacquard, vous connaissez? Voici de quoi il s’agit :

« L’équation du nénuphar illustre bien le phénomène de la croissance dans un milieu fermé. Imaginons un nénuphar planté dans un grand lac qui aurait la propriété héréditaire de produire, chaque jour, un autre nénuphar. Au bout de trente jours, la totalité du lac est couverte et l’espèce meurt étouffée, privée d’espace et de nourriture. Question : Au bout de combien de jours les nénuphars vont-ils couvrir la moitié du lac? Réponse : non pas 15 jours, comme on pourrait le penser un peu hâtivement, mais bien 29 jours, c’est-à-dire la veille, puisque le double est obtenu chaque jour. Si nous étions l’un de ces nénuphars, à quel moment aurions-nous conscience que l’on s’apprête à manquer d’espace? Au bout du 24 ͤ  jour, 97 % de la surface du lac est encore disponible et nous n’imaginons probablement pas la catastrophe qui se prépare, et pourtant nous sommes à moins d’une semaine de l’extinction de l’espèce… Et si un nénuphar particulièrement vigilant commençait à s’inquiéter le 27 ͤ  jour et lançait un programme de recherche de nouveaux espaces, et que le 29 ͤ  jour, trois nouveaux lacs étaient découverts, quadruplant ainsi l’espace disponible? Eh bien, l’espèce disparaîtrait au bout du… 32 ͤ  jour! »

(Texte d'A. Jacquard, L’Équation du nénuphar, Calmann-Lévy, 1998). 

Nous prenons le risque de disparaître, rien de moins. Pourquoi donc sommes-nous prêts à prendre un tel risque? Je ne suis pas le premier à y avoir pensé : orgueil et cupidité chez les uns, indifférence ou impuissance chez les autres. L’humain a bien quelques travers. Espérons que ceux-là ne lui seront pas fatals…

 
Rien de surprenant est inspiré de cette réflexion de Jacquard, ce généticien engagé, décédé en 2013. Nous réjouir de ce qui est, avoir la sagesse de ne pas le détruire, tel était le message de Jacquard et tel est aussi le sens de ce texte construit à la manière d’un poème, d’une fable. Est-il chantable? Je ne saurais dire…

Rien de surprenant


D’une source pure et claire
Une eau fraîche s’écoule
Les bêtes se désaltèrent 
La nature se soûle
La rivière se déverse
Dans le fleuve nonchalant
Et les eaux se dispersent
Au fond des océans

Rien de surprenant
Rien de surprenant…

Dans le ciel tout bleu
Des oiseaux s’amusent
S’envolent deux par deux
Dans une danse confuse
Planent sur l’air tiède
S’arrêtent de temps en temps
Offrent en intermède
Les splendeurs de leurs chants

Rien de surprenant
Rien de surprenant…

Une terre féconde
Des jardins en folie
Des saveurs abondent
Et comblent les appétits
Des forêts hautes et denses
Une flore en furie
Profitent en silence 
De Celle qui les nourrit

Rien de surprenant
Rien de surprenant…
 
Un soleil qui scintille
Et qui flambe son or
Fascine les pupilles
Affine les regards 
Une beauté qui inspire
Nos âmes en chaleur
Arrachant un soupir
Aux battements de nos cœurs 

De toi Belle Nature
Rien ne me surprend
Mais je voudrais conclure
En te le rappelant :
C’est moi la créature
De ton achèvement
Je suis par ma posture
Le plus intelligent
Et mes œuvres d’envergure
Le démontre aisément!

De répondre la Nature
Sur un ton éloquent :
Rien dans ta signature
Ne prouve ton talent :   
L’eau fraîche se tarit
La terre est en lambeaux
L’air tiède s’épaissit 
Le soleil brûle ta peau…

Pareille désinvolture
Me convainc maintenant
Qu’une sorte d’enflure
Étiole ton jugement…

De bien mauvais augures 
Annoncent de grands tourments 
Rien de surprenant
Rien de surprenant…

 

© L’utilisation des textes se fait avec la permission de l’auteur.
Veuillez écrire à Guy Pilote à pilote.guy@gmail.com.
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Dieu est l’objet d’une croyance et non l’objet d’un savoir. Le croyant ne saurait affirmer qu’il connaît son existence : il y croit, point. De même en est-il pour l’athée : il ne pourra affirmer avec certitude que Dieu n’existe pas. « L’athéisme, dira le philosophe Comte-Sponville (lui-même athée), c’est croire que Dieu n’existe pas. C’est donc une croyance comme une autre ».*


Cela dit, si la preuve de son existence ou de sa non existence ne peut être établie, rien n’empêche d’y réfléchir puisque l’idée de Dieu, elle, est profondément ancrée dans l’esprit humain. « La question de Dieu, dira le philosophe, nous est posée par notre finitude, par notre angoisse, par notre histoire, par notre civilisation, par notre intelligence, par notre ignorance même. Je ne peux ni prétendre qu’elle ne m’intéresse pas, ni feindre de n’avoir, sur la réponse, aucune opinion ».** Pas de foi ni d’athéisme sans l’idée de Dieu : les uns portent cette idée pour y croire, les autres pour en douter ou la réfuter. Je ferai référence à cette idée dans quelques-uns de mes textes, non pas sous l’angle de mes croyances ou incroyances personnelles, mais plutôt en tant qu’horizon possible inscrit dans l’esprit humain. Horizon dont on ne peut nier la portée sociale, notamment lorsqu’il est question de religion dans l’espace public. « On avait pourtant cru que la religion s’était éclipsée du discours public, et la voilà qui ressurgit » nous dit le politologue Sami Aoun dans son livre Le retour turbulent de Dieu – politique, religion et laïcité


La chanson que je vous présente aujourd’hui a été écrite en partie lors d’un atelier d’écriture de chanson à Petite-Vallée, en Gaspésie. Le défi consistait à choisir un titre parmi les trois qui nous étaient proposés, pour jeter ensuite, dans un temps limité, les bases d’un texte de chanson. « Peut-être que Dieu est malheureux » est le titre que j’ai choisi pour relever ce défi. Le Dieu que nous présentent les religions « est trop beau pour être vrai », dira encore Comte-Sponville. Voici un Dieu qui porte sa part d’ombre et qui, en cela, ressemble drôlement aux humains que nous sommes. Quelque chose me dit que l’homme nouveau, convaincu et convaincant, a réussi à répandre son hommerie partout dans l’univers. Si Dieu existe, parions qu’Il doute de Lui-même ! 


Joyeuses Fêtes!

* Comte-Sponville, André, Le goût de vivre et cent autres propos, Albin Michel, 2010, p. 108

** Comte-Sponville, André, L’esprit de l’athéisme - Introduction à une spiritualité sans Dieu, Albin Michel (Livre de poche), 2006, p. 85

Peut-être que Dieu est malheureux

Peut-être que Dieu est malheureux

Peut-être qu’Il est tout à l’envers

Que sous Ses airs radieux

Il cache une grande misère

 

Peut-être qu’Il ne veut plus être Dieu

Qu’Il ne l’aime plus, son univers

Qu’Il S’est fait prendre à Son jeu

Puis qu’là Y’a juste envie de Se taire

 

J’le sais pas, j’le sais pas

 

Peut-être que Dieu est malheureux

Parce qu’Il voit bien de quoi ça a l’air

Quand on divise le monde en deux

D’un bord le ciel puis de l’autre l’enfer

 

Peut-être qu’Il se dit : « en tout cas,

J’sais pas c’que Je ferais si c’était à refaire »

Parce qu’en voyant le résultat

Y’est pas convaincu de son affaire

 

J’le sais pas, j’le sais pas

 

Peut-être qu’on n’a pas fait notre part

Pour nous occuper de notre terre

Puis qu’Il S’est dit : « OK d’abord »

Puis qu’Y’est parti bin en colère

 

Peut-être aussi qu’Il nous ignore

Parce que maintenant Il considère

Que c’est à nous d’faire un effort

Pour nous sortir de la misère

 

J’le sais pas, j’le sais pas

 

Peut-être que Dieu n’en revient pas

Parce qu’Il trouve qu’on exagère

Et qu’Il se dit « avoir su ça

Je m’en serais pas fait un calvaire »

 

Peut-être que Dieu se dit tout bas :

« Combien ça vaut un univers »

Puis s’Il ne se retenait pas

Il vendrait tout ça aux enchères!

 

J’le sais pas, j’le sais pas

 

Peut-être qu’au fond Il aimerait ça

Se convertir en homme d’affaires

Vivre quelque part aux États

Devenir un puissant milliardaire

 

Peut-être qu’Il se dit « pourquoi pas?

Y’aurait sûrement une piastre à faire   

J’investirais aux Bahamas

Y paraît que c’est bin populaire »

 

Peut-être qu’Il nous annoncera

Quand Il reviendra sur la terre

Que le paradis sera ici-bas 

Tant qu’il y aura une piastre à faire! 

 

Oui, tant qu’il y aura une piastre à faire! 

Tant qu’il y aura une piastre à faire! 

 

Peut-être que Dieu est malheureux

Peut-être que Dieu est malheureux…

© L’utilisation des textes se fait avec la permission de l’auteur.
Veuillez écrire à Guy Pilote à pilote.guy@gmail.com.
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« Ce n’est pas que j’ai peur de la mort, dit Woody Allen, mais je préférerais être ailleurs quand elle se produira. »[1] Qui n’est pas angoissé devant la mort? L’ennui, c’est que personne ne peut mourir à notre place! 

Dans un passé pas si lointain, la croyance ferme des gens en une vie meilleure après la mort conditionnait au quotidien leur conduite et, quand venait la fin, les prêtres étaient là pour assurer le passage vers cet au-delà qui avait nourri leur espérance. Ces « passeurs » jouissaient d’un statut de demi-dieux en raison du caractère numineux (sacré) de leur rôle. La confiance qui leur était accordée leur donnait le pouvoir de calmer les angoisses les plus profondes. C’était avant que la science biomédicale et la technologie ne permettent les petits miracles que nous connaissons aujourd’hui. L’espérance de vie était loin d’être celle que nous atteignons actuellement et la mort apparaissait si inéluctable qu’il était presque impossible d’en éviter la pensée. Qui alors aurait pu se passer de ceux qui allaient sauver leur âme? 

Notre rapport à la mort a radicalement changé. La repousser avec énergie, la garder sous silence si elle rôde, passer à autre chose le plus rapidement possible lorsqu’elle a sévi, voilà la nouvelle réalité. La croyance en un au-delà, pour les uns, s’est effritée, pour les autres, est reportée à plus tard. Le bonheur est possible « de ce côté-ci », et pour plus longtemps que jamais. Ce passeur qu’est le prêtre devient donc moins important à nos yeux que ne l’est la personne qui détient le pouvoir de retarder l’échéance du passage, et cette personne est incarnée par le médecin. Si le médecin peut s’interposer et repousser le moment ultime, bien sûr que nous nous en réjouirons! Et nous l’estimerons, le surestimerons même, ou peut-être irons nous jusqu’à l’investir d’un pouvoir surhumain, jusqu’à le déifier, comme il en était autrefois pour le prêtre. Il est aussi vieux que l’âme humaine ce réflexe qui nous pousse à donner notre confiance absolue à celui qui, se tenant aux confins de la vie et de la mort, peut agir en notre faveur. De tout temps on lui a conféré un statut de sauveur, on l’a entouré d’une aura, on lui a accordé des privilèges, dont celui-ci, qui traverse les époques : l’intouchabilité. À ce privilège s’associent certains autres avantages qui varient selon les valeurs du temps; vous l’aurez constaté, le pouvoir de « passer à la caisse » sans trop de restrictions semble être de nos jours un avantage que l’on croit légitime de concéder à ceux qui méritent notre plus haute estime. Que l’opinion publique tourne soudainement en défaveur de cet acteur méritant (certainement le plus méritant aux yeux de la population québécoise) et l’on verra aussitôt se déployer différentes méthodes pour rétablir l’ordre. Méthode douce : campagne de relations publiques faisant valoir le dévouement exceptionnel de ce valeureux professionnel capable d’actes héroïques (on l’a vu dans de récentes publicités et on le voit dans plusieurs téléromans et téléséries faisant du médecin une sorte de héros); méthode dure : menaces d’un accès plus limité à ses indispensables services. Celui qui peut marquer la vie de son empreinte détient un certain pouvoir de conviction. 

Ainsi avons-nous maintenant foi en lui, le médecin, et en tout l’univers prescriptif qu’il déploie, allant du bout de papier qu’il nous griffonne jusqu’aux manœuvres hautement technologiques qu’il opère sur nos corps, en passant par les prescriptions comportementales de la médecine préventive. L’objectif : prolonger notre durée de vie utile, repousser notre date de péremption.

La mort demeure pourtant inéluctable. L’échéance arrivera, plus tard pour nombre de gens (et pourquoi pas?), mais elle arrivera. Entre temps, « aurons-nous médité sur la mort, demande le philosophe André Comte-Sponville[2], non pour elle-même, mais pour ce qu’elle nous apprend sur la vie et sur nous-mêmes »? À tout le moins ne pas l’ignorer, si ce n’est que « pour consacrer à la vie – la sienne et celle des autres – tous les soins qu’elle requiert » ajoute-t-il. La savoir là, la mort, c’est se donner la chance d’accorder une priorité à la vie, à « ce qui vaut la peine d’exister », pour emprunter les mots d’Hubert Reeves. Si vous avez appris à vibrer à la beauté du monde et à vous réjouir de votre vie, nous rappelle le psychanalyste Guy Corneau, « l’essentiel aura été accompli et vous franchirez les portes de la mort sans souci superflu. »[3]

Je terminerai avec cette pensée à la fois brutale et libératrice de l’écrivain Yvon Rivard[4] : « la beauté, c’est ce que nous raconte le temps avant de nous tuer ». Le temps est assassin, c’est vrai, mais la beauté, qui existe avant tout dans notre regard, nous procure par moment le sentiment de pouvoir transcender notre condition de mortel. Qui sait, peut-être est-ce cela, l’éternité? 

Voici un texte qui traite avec humour du thème de la déification du médecin. Entendons ici le médecin en tant que membre de l’un de ces groupes identitaires qui revendiquent sa différence et non pas en tant qu’individu exerçant chaque jour son métier avec professionnalisme.

[1] Cité par André Comte-Sponville dans La vie humaine, dessins de Sylvie Thybert, Les Éditions Hermann, 2007.

[2] Idem

[3] Guy Corneau, Revivre, Les Éditions de l’Homme, 2010.

[4] Yvon Rivard, Le siècle de Jeanne (roman), Les Éditions du Boréal, 2010.

Docteur, Docteur

Docteur, Docteur, je suis malade

Bien sûr que je n’veux pas mourir

Je sais que vous êtes capable

Vous pouvez sans doute me guérir

Il faudrait peut-être m’opérer

Enlever le bout qui fait défaut

Le remplacer, me rabouter

Et puis me recoudre la peau

 

Docteur, Docteur, je vous en prie

J’suis trop occupé pour mourir

Personne ne m’avait jamais dit

Que le temps pouvait me trahir

 

Avant, Docteur, vous vous souvenez

Il n’y avait pas de technologie

On n’pouvait pas être prolongé

Quand c’était fini, c’était fini

On allait voir le curé

Pour éviter les feux de l’enfer

Il nous aidait à trépasser

C’est tout ce qu’il pouvait faire

 

Docteur, Docteur, c’est vous maintenant

Qui jouez sur terre le rôle de Dieu

Vous êtes son digne représentant

On n’aurait pas pu trouver mieux

Qu’importe le ciel, qu’importe l’enfer

Nous c’que l’on veut c’est vivre longtemps

C’est pour ça qu’on vous paye si cher

On veut n’avoir pour notre argent

 

Docteur, Docteur, je vous en prie

J’suis trop occupé pour mourir

Personne ne m’avait jamais dit

Que le temps pouvait me trahir

© L’utilisation des textes se fait avec la permission de l’auteur.
Veuillez écrire à Guy Pilote à pilote.guy@gmail.com.
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L’amour et son petit lexique

Peut-on écrire des chansons sans parler d’amour? Je suis d’avis, avec Francis Cabrel, que toutes les chansons, ou presque, parlent d’amour.* Dénoncer les violences, les abus de pouvoir, être sensible à la réalité des plus démunis, faire valoir des principes de justice sociale, souhaiter l’avènement d’un monde meilleur, etc., c’est en quelque sorte réclamer plus d’amour… Admettons cependant que ce n’est pas ce que l’on entend généralement par « chanson d’amour ». C’est souvent l’amour passionné qui a la faveur du public lorsqu’il s’agit de traiter de ce thème en chanson : l’amour qui donne des ailes ou qui les brûle, qui nous fait planer ou chuter… Mais la chanson peut aussi témoigner des nombreux autres visages de l’amour : amour naissant, impossible, éphémère, imaginaire, absent, blessé, brisé, perdu, retrouvé, réparateur, parental, nostalgique, reconnaissant, compatissant, spirituel, etc. C’est ce que je tenterai de démontrer.

 

Aujourd’hui, je commencerai par établir un petit lexique de l’amour en faisant référence aux formes d’amour définies par les premiers penseurs**, mais aussi – et surtout – en m’appuyant sur mon expérience d’intervenant social, grâce à laquelle j’ai pu être témoin des joies et des peines qui accompagnent les relations amoureuses. Le lecteur qui le désire pourra se référer à ce petit lexique pour mieux saisir la thématique développée dans les chansons d’amour qui paraîtront, de temps à autre, dans cette chronique.

 

Commençons par Éros, ce dieu de l’amour que nous connaissons tous. Éros porte le désir et le désir est le premier appel de l’amour (ne pas confondre le désir et la pulsion; le désir peut être mis en forme par la culture, la pulsion y résiste, elle retient le sujet près de la bête, et parfois de la bêtise – c’est le cas dans les agressions sexuelles). Éros installe le manque, il provoque une tension entre les soupirants, tension que ceux-ci verront à soulager par leur rapprochement, et cette oscillation répétée, entre désert et plénitude, entre souffrance et plaisir, produit une puissante intensité. Éros, ce jeune fou, a toujours fait ce travail, et c’est précisément pour cela qu’on l’aime ou qu’on le craint, qu’on le recherche ou qu’on le fuit. Il surprend, arrive de manière impromptue, s’impose parfois, sans se soucier de notre capacité à le recevoir. On devra lui faire une place ou le remettre à sa place, selon nos dispositions du moment. Certains amoureux s’y accrochent parfois pour le plaisir de l’intensité qu’il produit, préférant l’expérience de « tomber en amour » à celle d’aimer et d’être aimé. Et cela est devenu plus fréquent de nos jours. Comme le dit Baricco dans son essai sur la mutation (Les Barbares), la modernité a créé « l’homme horizontal », celui qui donne un sens à sa vie en multipliant les expériences intenses, vibrantes (heureuses ou malheureuses) et Éros est tout indiqué pour faire vivre de telles expériences. Ne vivre qu’habité par Éros peut cependant rendre la vie difficile; mais la vie sans lui l’est tout autant!

 

Il y a aussi l’amour que les Grecs appelaient Philia. Dans leur conception, Philia se rapportait d’abord à l’amitié, mais il peut aussi vivre dans le couple. D’ailleurs, les plus beaux couples que j’ai vus en étaient habités. Philia s’exprime par la connaissance de l’autre, le respect, la confiance, la complicité, le soutien mutuel. Il n’exclut pas le désir (l’exclure conduit souvent à l’échec du couple), mais le module, le transforme, le rehausse, comme il en est pour un vin qui vieillit bien. Philia raffine la matière brute apportée par Éros. Pas de Philia sans égalité entre les partenaires, sans réciprocité, ce qui exclut les rapports de supériorité (domination, contrôle, violence psychologique ou physique, etc.). Dieu sait qu’historiquement les relations de couple se sont souvent passées de Philia, Dieu sait qu’elles s’en passent trop encore…

 

Il faut un peu de verticalité pour créer ensemble un amour habité à la fois par Éros et par Philia. Entendons par verticalité : introspection et élévation, conscience de soi, nécessitant volonté et bonne foi. Résultat, quand on y parvient : on se réjouit de la présence de l’autre, on est bienveillant l’un envers l’autre, on fait l’amour avec grâce et l’on se sent comblé (ce qui est différent de se sentir « satisfait »). Et si le couple n’y parvient pas, alors de deux choses l’une : ou bien l’on vivra seuls ensemble, dans la monotonie des lignes parallèles; c’est ainsi que bien des couples « durent », sans réelle amitié, sans réel désir, faisant de leur amour un jeu de rôles et de leur sexualité un « devoir conjugal ». Ou bien Éros verra à corriger le tir : il pointera sa flèche ailleurs! Éros a un faible pour les partenaires qui s’ennuient. Alors on y résistera et, question de prendre la mesure du possible, l’on tentera peut-être de réinvestir notre couple. Ou bien l’on cédera à la puissance du désir et à l’appel d’un nouvel amour qui – attention! -- n’est pas encore donné : l’amour entre deux adultes est une aventure qui nécessite l’apport créatif de chacun d’eux. Dans cette aventure qu’est l’amour (l’aventure du « donner-et-du-recevoir »), l’enjeu pour les nouveaux soupirants est donc celui-ci : possédons-nous la matière première? Sommes-nous prêts et capables de la transformer? Bref, sommes-nous, lui et moi, ou elle et moi, sur le chemin de la créativité? Sans quoi le risque de revenir au point de départ se fait grand.

 

Parlons maintenant de l’amour parental, que l’on a moins discuté chez les philosophes, mais qui mérite une attention en raison de ses propriétés particulières. De nos jours, on réduit souvent cette forme d’amour à ce que l’on appelle « l’attachement ». Ce concept moderne, né de la psychologie animale, est effectivement très pertinent et éclairant, mais il n’embrasse pas tout ce que contient l’amour parental : il y a aussi dans le lien parent-enfant cette douceur, cette bienveillance, cette générosité, transmises culturellement, et ce bien culturel apparaît comme une richesse qui transcende la mécanique animale de l’attachement. Polarisé chez la mère, ce bien culturel tend maintenant à mieux se répartir, et c’est heureux!

 

L’amour parental est aussi un amour qu’il faut moduler, transformer. Il doit être suffisamment intense et vrai de la part du parent pour que l’enfant y construise les bases de sa propre capacité d’aimer, mais il doit aussi, à un certain moment, pouvoir se mettre en veille, ou plutôt changer de visage, juste assez pour permettre à l’enfant de devenir « autre », c’est-à-dire lui-même, et de se donner le droit de s’ouvrir à ce qui est « autre », à l’étranger. Ainsi pourra-t-il à son tour, cet enfant dans un corps d’adulte, devenir véritablement un adulte et répondre à l’appel du désir et de l’amour. L’enfant doit lui aussi assumer sa part de responsabilité dans ce mouvement qui lui apparaîtra comme une seconde rupture (consciente cette fois-ci) de son cordon ombilical : il devra affronter dignement son angoisse de séparation. C’est la clé pour devenir un adulte. J’explorerai l’amour parent-enfant dans mes chansons, l’amour blessé surtout (déformation professionnelle!), l’amour dans ses aspects les plus aliénants : rejet, abandon, humiliation.

 

Enfin, il y a l’amour appelé Agapè, cet amour universel, spirituel, gratuit, qui est pure douceur et qui se vit dans l’oubli de soi, « sans motif, sans intérêt, et même sans justification », dira Comte-Sponville. Il est « charité », non pas au sens « perverti par deux mille ans de condescendance cléricale, aristocratique puis bourgeoise », poursuit le philosophe, mais au sens premier de ce terme qui signifie « amour créateur », un amour qui confère de la valeur. C’est pourquoi on le verra se tourner vers ceux et celles à qui, justement, on ne reconnaît pas ou peu de valeur : les pauvres, les miséreux, les malades. Un tel amour exige une bonne dose d’humilité; il a peu à voir avec l’amour qu’expriment les défenseurs de causes (dont je suis!), ceux-ci cachant la plupart du temps, sous leur sensibilité aux malheurs des autres, un solide ego et un orgueil bien enraciné. Agapè se manifeste généralement avec discrétion.

 

Cela dit, j’ai souvent constaté que la réussite « amoureuse » des couples repose sur un équilibre entre ces différents visages que peut prendre l’amour (sauf Agapè, qui se range dans une classe à part) : trop de l’un, pas assez de l’autre, ajustement possible ou impossible entre les partenaires, et même entre l’ensemble des membres de la famille (de fait, ne s’investir que dans l’amour parental conduit souvent à l’échec du couple, et l’enfant s’en trouve finalement pénalisé), etc. Aussi faut-il être capable d’amour de soi, et savoir y mettre le bon dosage : ici, l’expression « trop c’est comme pas assez » est tout indiquée!

 

Avec de la chance, de la patience, de la volonté, vient la joie d’aimer et d’être aimé.

Je vous reviens bientôt avec quelques chansons d’amour. La première sera habitée par Éros.

 

 

* Dans le cadre de l’émission télé Stéréo pop, à Radio-Canada.

** À ce propos voir le philosophe André Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, chapitre 18 : L’amour.

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Ne me cherche plus est le premier d’une série de six textes de chansons qui aborderont le thème de la relation amoureuse entre homme et femme. L’amour est sans contredit le thème le plus souvent abordé en chanson. Dans une société où la quête du bonheur personnel compte plus que tout, la relation amoureuse prend nécessairement une importance capitale. Elle donne lieu à beaucoup d’émotions, elle devient donc un sujet de prédilection pour les auteurs et les paroliers.


Il n’est plus à démontrer que, dans nos sociétés occidentales, l’individu est au centre de tout, et que son authenticité et son épanouissement personnel sont devenus des valeurs incontournables[1] De plus en plus rares sont les individus prêts à faire durer leur couple au péril de leur identité propre. Le couple moderne ne peut donc durer que si les deux partenaires qui le composent existent aussi en tant qu’individu libre et assumé, et que s’ils inscrivent leur relation dans un processus évolutif. Le couple n’est plus une chose établie « une fois pour toute », il est plutôt « une création en continu », il se transforme à mesure que les individus qui le composent se découvrent, se transforment, s’épanouissent. 


Supposons maintenant que nous sommes en présence de deux individus psychologi-quement « adultes », chacun s’assumant en tant que « personne en devenir » et acceptant qu’il en soit de même pour l’autre. Les voilà prêts à convenir du type de relation qu’ils veulent établir. Il faudra alors que ces deux personnes négocient « l’espace psychologique » dont chacun a besoin pour s’épanouir au sein du couple. On constate souvent que l’échec du couple tient justement à un échec de cette négociation entre les partenaires. Si cette négociation échoue pour des raisons aussi simples que le manque d’habiletés à communiquer chez les partenaires, tout n’est pas perdu! On peut en effet apprendre à communiquer. Mais, il faut se le dire, cette négociation échoue souvent parce que les partenaires s’adonnent à une communication « tordue » où l’on devine que l’intention de la communication n’est pas de se comprendre, de s’entendre, d’évoluer, de se lier, mais plutôt d’avoir raison ou de dominer. Le défi n’est donc plus le même, et rien n’évoluera tant que l’enjeu réel ne sera pas mis au jour et admis par les partenaires. L’introspection et la bonne foi sont donc des ingrédients nécessaires à la réussite.


Il semble y avoir plus de manières d’échouer la création de ce couple évolutif que de manières de la réussir : rupture, ennui au sein du couple, infidélité, peur de l’engagement et amour introuvable témoignent de la difficulté d’être en couple, et d’en faire une expérience vivante et épanouissante. Ce sont ces différentes formes d’échecs du couple qui feront l’objet de mes prochaines chroniques. J’aborderai aussi le thème de l’amour qui dure. Oui, l’amour peut durer… et être vrai!

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Ne me cherche plus


« Les hommes meurent rarement d’amour, ils s’endorment avant! Et les femmes meurent, parfois, de cet endormissement ».[2] C’est avec cette petite phrase amusante du philosophe Comte-Sponville que je voulais introduire mon sujet aujourd’hui puisqu’il sera question de séparation, et qu’au Québec, comme le rapporte la journaliste Martine Letarte[3], 70 % des ruptures viennent des femmes (et c’est d’ailleurs la même chose dans les autres pays occidentaux). Et l’homme, dans de nombreux cas, affirme qu’il ne l’a pas vu venir. Que se passe-t-il donc dans la tête de ces hommes qui étaient là sans y être vraiment?


Chercheurs et professionnels en relation d’aide s’entendent pour dire que, de façon générale, les hommes se questionnent moins que les femmes quant à leur satisfaction dans une relation amoureuse. Le psychologue Richard Cloutier[4] parle d’un « déficit de lecture émotionnelle » pour décrire ce manque de réflexivité émotionnelle et relationnelle qui caractérise les hommes. Ce déficit, dira-t-il, est souvent lié à la prégnance des valeurs de socialisation masculine traditionnelle (l’homme fort et indépendant), celles-ci le détournant de l’univers des relations intimes et de la vie intérieure. L’homme sera par conséquent moins enclin à faire le travail émotionnel nécessaire pour investir le couple, travail qui implique le développement d’habiletés à décoder le climat relationnel et à communiquer dans un langage approprié. Quand la crise survient, il a tendance à chercher des solutions dans son répertoire de comportements habituels : il propose des actions concrètes, des projets (rénover, acheter une nouvelle maison, faire un voyage). Parfois, il s’aventure dans un champ inexploré et propose une thérapie de couple, mais trop tardivement (le mal est fait, la partenaire est désillusionnée, l’espoir est mort), si bien que l’offre sera refusée! Ou, si elle se tient, cette thérapie, elle prendra souvent l’allure d’un procès d’intention stérile et inutile (il s’agit ici, bien sûr, d’une généralisation : les réactions des hommes et des femmes peuvent être différentes, et les rôles, inversés).


La détresse de l’homme est-elle plus grande que celle de la femme en cas de rupture? En fait, tout n’est pas lié au genre masculin ou féminin, mais certains éléments le sont. Évidemment, celui ou celle qui « ne l’a pas vu venir » sera généralement plus déstabilisé et, à cet égard, c’est l’homme qui se verra le plus souvent sous le choc et en situation de rattrapage dans sa compréhension des causes de la rupture. Toujours en raison de ce « déficit de lecture émotionnelle » dont nous parlions plus haut, l’interprétation de la rupture chez l‘homme fera souvent défaut, ce qui compliquera son deuil. Il n’est pas rare qu’il se verra comme une pure victime, que sa part de responsabilité dans l’échec de la relation restera hors de son écran radar (après tout, c’est elle qui est partie, ce doit donc être elle qui est responsable de la séparation…). Voilà qui explique en partie sa tendance à rester accroché à la relation, accroché en manifestant ouvertement son désir d’y revenir, ou accroché en maintenant un lien « par la négative », par exemple en mettant tout en œuvre pour nuire à l’autre et rester ainsi dans sa vie (procédures judiciaires interminables, chantage, otage des enfants sur le plan affectif ou refus de collaboration, harcèlement et parfois, malheureusement, vengeance meurtrière). De plus, ce même « déficit » sur le plan émotionnel le conduira à s’isoler psychologique-ment et socialement : souvent honteux devant ce qu’il considère comme un échec, il évitera de parler de sa situation, d’exprimer ce qu’il vit. À cela s’ajoute la difficulté de s’adapter à la vie quotidienne après la rupture, surtout si les rôles étaient bien campés selon les genres. Dans ce cas, l’homme découvre soudainement un monde d’obligations liées à la responsabilité de « tenir la maison » (soins des enfants, repas, épicerie, lessive, etc.) et, il faut bien le dire, cet apprentissage exige une bonne dose d’énergie. 


La détresse de la femme n’est pas moindre, mais j’ai souvent remarqué que, chez celle-ci, les plus grandes difficultés ont été vécues avant la rupture (dans le cas où c’est elle qui l’initie), et que cette rupture, une fois décidée et en voie de se réaliser, est souvent vécue comme une libération. Par contre, avant la rupture, elle a souvent travaillé très fort auprès de son homme pour « gérer la relation conjugale », c’est-à-dire tenter de se faire comprendre sur le plan émotionnel, de rééquilibrer le fardeau lié aux soins des enfants et aux tâches domestiques, de mieux répartir le pouvoir décisionnel, etc. Elle aura eu le sentiment que son engagement tournait à vide. Son énergie, tout comme son estime personnelle, aura souvent frôlé le plancher avant qu’elle n’accepte la nécessité d’agir pour « se retrouver ». Elle aura aussi été tourmentée en pensant aux réactions de tous lorsqu’elle annoncera la rupture : celles de son conjoint, de ses enfants, des familles concernées, des ami(e)s, des collègues de travail, etc. Étant elle aussi empreinte des valeurs qu’elle a acquises de sa socialisation en tant que femme (une sorte d’hyper-responsabilisation), elle voit venir de loin la culpabilité qu’on ne manquera pas de lui faire sentir et qu’elle aura à assumer courageusement. En fait, la tempête la secoue, elle aussi, mais son intensité ne se pointe pas au même moment durant l’épisode tumultueux. Évidemment, si monsieur n’accepte pas la rupture et décide de lui rendre la vie difficile, la séparation effective ne la soulagera pas de ses tourments. Nombre de femmes subissent en effet les durs contrecoups d’une séparation que monsieur « ne digère pas » (encore une fois, les rôles peuvent être inversés).


Cela dit, il me semble que la manière la plus bénéfique de se sortir des impacts psychologiques d’une rupture, que l’on soit homme ou femme, reste celle-ci : « se dévictimiser », assumer sa part de responsabilité dans l’échec, reconnaître ses forces et ses faiblesses, s’améliorer et aller de l’avant! 


Notez que ce que je raconte dans plusieurs de ces textes m’a été largement inspiré par les propos de dizaines de femmes et de quelques hommes qui se sont confiés à moi tout au long de ma pratique professionnelle. Voici l’histoire classique d’une rupture initiée par une femme qui en avait ras-le-bol! 

[1] Individualisme, désengagement social au profit d’une quête du bonheur personnel : thèmes souvent abordés dans mes chroniques. Voir notamment : Vivre de liberté, Je m’en fous (à venir), C’est comme ça que l’on vit (à venir). Sur le thème de l’amour, voir aussi : L’amour et son petit lexique.

[2] André Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, chapitre 18 : L’amour.

[3] Martine Letarte, Lorsque l'homme subit la rupture, publié le 24 janvier 2016 à 08h30 | Mis à jour le 24 janvier 2016 à 08h30

[4] Dʳ Richard Cloutier, psychologue, Rupture conjugale et détresse masculine, site Web de l’Ordre des psychologues du Québec.

Ne me cherche plus

Je voudrais tant que tu retiennes
Que je t’ai aimé plus encore
Que ne le disait mes « je t’aime »
Et que ne l’exprimait mon corps
Je t’ai aimé jusqu’à me perdre
Jusqu’à moi-même ne plus m’aimer
J’ai marché sur une corde raide
Longtemps, longtemps, puis j’suis tombée

À quoi ressemblait notre amour?
Je n’étais que l’ombre de tes projets
Et qu’en avais-je en retour?
Que les mirages de tes succès…
Tu n’en avais, mais rien à foutre
De mes honnêtes sentiments
Ce que tu voulais coûte que coûte 
C’était d’amasser ton argent

Ne me cherche pas, ne me cherche plus
J’ai fait le pari du bonheur
J’écoute la voix de mon cœur 
Et toi, dis-moi, que deviens-tu?

Combien de fois t’ai-je invité 
À réinventer notre vie
À explorer d’autres sentiers
Ne t’ai-je pas souvent averti?
Et quand le moment est venu
Je t’ai dit que je partirais
Évidemment tu ne m’as pas cru
Pas plus que tu ne l’as jamais fait

Et puis après tu as pleuré
Pleuré comme si tu découvrais
Que quelque chose avait cloché
Et combien tu le regrettais
Puis conforté dans ta complainte
Tu t’es nourri de tes malheurs
En gardant ce droit souverain
De me déverser ta rancœur 

Ne me cherche pas, ne me cherche plus
J’ai fait le pari du bonheur
J’écoute la voix de mon cœur 
Et toi, dis-moi, que deviens-tu?

 

© L’utilisation des textes se fait avec la permission de l’auteur.
Veuillez écrire à Guy Pilote à pilote.guy@gmail.com.
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Ne me cherche plus abordait le thème de la rupture amoureuse. L’idée n’était évidemment pas de la surestimer comme solution au conflit, mais plutôt de montrer qu’elle est parfois un mal nécessaire. Si certaines personnes envisagent trop rapidement cette solution, d’autres, au contraire, incapables d’insuffler une vie à leur couple, choisissent plutôt de le maintenir en vie en le branchant sur un respirateur artificiel. Que ce soit par dépit, par devoir ou par intérêt, ils préféreront se conforter dans une solitude à deux, séparés par un épais silence, plutôt que de risquer le choc de l’authentique rencontre. Pas de rencontre véritable…, et non plus de cette joie que l’on éprouve à être ensemble et à s’accompagner sur les chemins de nos vies.

Erreur sentimentale

Ils se sont mariés
Ont élevé leurs enfants
Ont beaucoup travaillé
Ont défié le temps 
Parents plus que parfaits
Famille presque idéale
Si bien que le succès
Semblait chose normale

Ils ont fait ce qu’il faut
Sans jamais ne dire mot
Ni de l’un, ni de l’autre
Ni de l’un, ni de l’autre

Bien sûr quelques accros
Des petites bouderies
Parfois de vilains mots
Une ou deux tromperies
Valait-il mieux mentir?
Fallait-il tout briser?
Ne sont pas bonnes à dire
Toutes les vérités

Puis il y a de ces compromis
Qu’ils n’ont pu éviter
Des projets en sursis
Des rêves abandonnés
Peut-être quelques lambeaux
D’une riche existence
Entraînés par les flots
De froides indifférences

Ils ont fait ce qu’il faut
Sans jamais ne dire mot
Ni de l’un, ni de l’autre
Ni de l’un, ni de l’autre

Ensemble maintenant
Dans un épais silence
Ils vivent le présent
Comme une récompense
Lui au téléjournal
Elle aux téléromans
Erreur sentimentale
Heureux de faire semblant

Ils ont fait ce qu’il faut
Sans jamais ne dire mot
Ni de l’un, ni de l’autre
Sans jamais ne dire mot
Ni de l’un, ni de l’autre

 

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Infidèle

 

J’ai abordé le thème de la séparation du couple (Ne me cherche plus) et je vous ai parlé du couple qui sombre dans l’ennui (Erreur sentimentale). Aujourd’hui, il sera question de cette « voie de passage » qu’empruntent 20 à 30 % des hommes et 15 à 20 % des femmes : l’infidélité. Pourquoi emprunter cette voie plutôt que les deux précédentes? Voici ce qu’en dit le psychologue et sexologue Yvon Dallaire* :

« Les motifs de l’infidélité peuvent être aussi variés que les situations ou les personnes, mais ils sont généralement la conséquence d’un déséquilibre affectif du couple et impliquent habituellement l’ennui, la solitude et les frustrations de toutes sortes. L’infidélité est souvent une tentative maladroite d’équilibrer, émotivement ou sexuellement, un couple. » Et M. Dallaire regroupe les motifs de ce choix en différentes catégories :

 

1. Les motifs prétextes : « C’est à la mode. Tout le monde le fait, fais-le donc. » « Il est impossible de rester monogame aujourd’hui. » « Une femme libérée se doit d’avoir des amants. » « L’être humain est un animal polygame. » « Pourquoi je m’en priverais. » « Je veux profiter de ma jeunesse. » Toutes ces argumentations sont dues à l’affaiblissement des inhibitions et à une plus grande permissivité sexuelle.

 

2. Motifs relationnels : tentative pour échapper au contrôle de l’autre ou pour attirer son attention ou par esprit de vengeance, suite à une importante transition de vie (naissance, décès, anniversaire...), une simple opportunité à l’occasion d’un 5 à 7, d’un congrès... besoin de distraction combiné au stress du travail et de la famille.

 

3. Motifs inconscients : compenser des blessures ou des frustrations de l’enfance ; problème familial non résolu qui se transmet de génération en génération. Dans neuf cas sur dix, les parents de l’époux infidèle, du partenaire ou des deux partenaires ont été infidèles, même si le partenaire infidèle en est inconscient ou refuse cette réalité.

 

4. Mais le motif le plus fréquent est le déséquilibre conjugal sexuel ou affectif dans le couple, conduisant vers une recherche de satisfaction sexuelle ou d’intimité affective ailleurs.

 

La meilleure façon de prévenir l’infidélité reste donc de nourrir notre couple, d’en faire un lieu sûr (la bonne foi des deux partenaires étant la première condition). Mais si elle survient, cette infidélité, comment est-il possible de réparer les blessures? Pour répondre à cette question, je vous laisse aux bons soins de M. Dallaire dont l’expérience professionnelle sur le sujet vaut plus que la mienne (référence au bas de cette page). »

Chose certaine, cette voie, si on la choisit, comporte des risques et entraîne son lot de souffrances. C’est ce que j’ai voulu faire ressortir dans ce texte intitulé Mais moi je t’aime.

 

* Prévenir ou survivre à l'infidélité, Yvon Dallaire, psychologue et sexologue, dans Psycho-Ressources

Mais moi je t’aime

Tu arrives vers midi

Tu entres et aussitôt

« J’ai une heure et demie »

Ce sont tes premiers mots

Tu te glisses dans mon lit

Tu me colles à la peau

Tu t’arraches, je te supplie

De ne pas partir si tôt

 

Tu crois que c’est facile

D’être là à t’attendre

Le corps en avril

Le cœur en novembre

Mais moi, vois-tu, je t’aime

Je t’aime…

 

Je sais, tu me l’as dit

On t’attend au bureau

Puis à la garderie

Où tu prends tes marmots

Et tu me diras aussi

Que tu ne peux le quitter

Pour l’amour des petits

Que tu ne veux pas blesser

 

Mais qui suis-je dans ta vie

Sinon ce passager

Qui trompe ton ennui

Sur ta route désertée

Qui suis-je dans ta vie

Sinon ce passager

Laissé sur le parvis

De ton cœur emmuré

 

Tu crois que c’est facile

D’être là à t’attendre

Le corps en avril

Le cœur en novembre

Mais moi, vois-tu, je t’aime

Je t’aime…

Mais moi, vois-tu, je t’aime

Je t’aime…

© L’utilisation des textes se fait avec la permission de l’auteur.
Veuillez écrire à Guy Pilote à pilote.guy@gmail.com.
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Après avoir abordé les thèmes de la rupture, de l’ennui et de l’infidélité, voici le thème de la peur de l’engagement. Dans une relation où l’un des partenaires a peur de l’engagement, il peut y avoir « apparence d’amour », ce qui complique l’identification du malaise. La relation peut paraître harmonieuse, mais, en fait, elle n’évolue pas vraiment sur le plan affectif, elle demeure « figée ». C’est pourquoi il n’est pas rare que la personne qui se trouve aux côtés d’un phobique de l’engagement se sente dévalorisée dans la relation, sans trop comprendre pourquoi. 

Avoir peur de l’engagement, c’est avoir peur de quoi au juste? Peur de l’échec, peur de souffrir, peur de décevoir, peur de perdre sa liberté et son pouvoir d’agir… Les cliniciens de la relation amoureuse vous diront que cette peur cache souvent des angoisses associées à des blessures passées ou à un manque de confiance en soi qui fait craindre une perte de son espace psychologique. 

Si vous voulez savoir si vous êtes en relation avec un phobique de l’engagement, parlez-lui de projets communs... Vous le verrez multiplier les comportements de fuite! Souvent, le phobique de l’engagement se défilera subtilement, puisque l’affirmation de soi (dans une relation affective) n’est pas sa force. Se tenir à distance sur le plan relationnel ou même adopter des comportements « détestables » dans le but plus ou moins conscient de provoquer la rupture, voilà plutôt sa manière d’agir.

Voici les paroles d’un homme qui fait le point avec sa partenaire phobique de l’engagement. 

Je partirai

Si tu veux faire de moi

Une habitude

Si tu veux que l’on soit

Deux solitudes

Je te dirai simplement

Que je ne suis pas doué

Pour les amours absents